Cotonou, le 30 Décembre 1998
L’Afrique termine l’année 1998 dans la détresse que nous réserve 1999 !
L’embrasement des deux Congo, avec des soutiens plus machiavéliques et diaboliques les uns que les autres, continue de jeter des millions de paisibles citoyens dans la brousse et sur les routes.
L’Angola non contente de ces arrangements politiques interminables, a préféré rallumer son volcan tout en apportant son « assistance technique » à ses voisins de spadassins.
La sale rebellion de la Sierra Léone renaît de ce que nous avons trop tôt appelé des Cadres en dépit de l’activisme des loyalistes et de la combativité des troupes toujours très monolytiques de l’Ecomog.
Tout ceci n’est ni le fait du hasard ni le fait de la témérité des seuls agents étrangers. Les réalités ici et là s’appelent : cupidité – intolérance – dictature – tribalisme- ambitions démesurées – inculture – carence affective et patriotique – atéisme etc.
En effet, que penser d’autre, de personnes qui parviennent au pouvoir par les voies que l’on sait et qui refusent à leurs concitoyens le droit de revenir au pays pour jouir paisiblement de leurs droits civiques ?
Que penser de ces « Gouvernants » qui refusent l’offre de dialogue et de réconciliation d’opposants qui ont fini par accepter le fait accompli des armes sur la légalité constitutionnelle ?
Que penser d’autre enfin, de Dirigeants qui refusent tout droit à la différence à leurs concitoyens restés au pays, considérés et traités comme des citoyens « dévalués » interdits de jouir des droits au nom desquels on a soi-même pris le pouvoir ?
Il est peut-être trop tôt d’affirmer que nous sommes en présence de vrais ennemis de l’Afrique et de leurs propres pays, parce que notre Continent a connu des situations très difficiles qui se sont « arrangées » par miracle; mais leur responsabilité devant l’histoire ne pourra jamais être niée.
Le Nigeria est notre plus bel exemple, à cet égard, de normalisation. Après tant de haine, de sang inutilement versé, de barbarie et de gabegie inégalables, c’est de ce grand pays que viendra peut-être pour l’Afrique, l’espoir en 1999 et au troisième millénaire; nous avons tous le devoir d’y travailler.
Deux petits espoirs méritent aussi d’être relevés :
– Les Ivoiriens se parlent et s’entendent enfin pour le plus grand bien de l’Afrique et de leur pays.
– Les Togolais se parlent aussi, même s’ils ne préfèrent pour témoins et garants de ce dialogue que des non-africains (en grande partie). C’est dommage si l’on sait ce que les africains font et continuent de faire pour eux. Pour nous les africains, il est temps que la vérité démocratique et celle de la paix ne viennent pas toujours et uniquement d’ailleurs.
Nos frères de la Guinée Bissau ont pourtant préféré eux, faire confiance à leurs frères africains dans leur difficile dialogue. Nous devons les encourager dans leur démarche complexe, mais incontournable, du passage de l’économie informelle souteraine de leur société, à une économie formelle, visible, transparente et democratique.
Après la rédemption de l’Afrique du Sud que suit celle du Nigeria, les nouvelles lueurs d’espoir au Togo et en Guinée Bissau aideront nos frères du Mali, du Niger, du Rwanda, du Burundi, des Comores, du Soudan, de la Somalie et du Lesotho à mieux se comprendre. Cette lueur d’espoir peut aussi être une source d’inspiration pour améliorer quelque peu les images aussi brouillées que préoccupantes que nous offrent, ces derniers temps, la Guinée-Conakry et la Mauritanie.
Enfin, nous devons prier pour que ces lueurs d’espoir aident nos frères à comprendre, à défaut d’accepter que nos pays appartiennent à tous leurs citoyens et non à ceux-là seuls qui ont réussi à accéder au pouvoir.
Les africains doivent cesser d’être des refugiés sur leur Continent. Le dialogue doit être le moyen privilégié de prévenir et de régler les conflits dans la tolérance et le respect des droits des uns et des autres, surtout ceux des minorités et des oposants.
Les Dirigeants africains devraient aborder le troisième millénaire en témoignant leur amour et leur respect d’abord envers leur pays et l’Afrique et envers ce qui s’y fait ou qui y est généré, s’ils veulent être durablement suivis par leurs peuples qui ont si souvent témoigné de leur hospitalité, de leur ouverture sur le monde non-africain dont ils ont toujours apprécié la sollicitude, même s’ils n’ont jamais renoncé à rester eux-mêmes.
La globalisation n’est pas nécessairement contraire à certaines appropriations légitimes. Nos partenaires le comprennent plus facilement que certains africains et certains de nos dirigeants.
Le troisième millénaire devrait être pour nous, l’occasion de nous remettre en cause et de remettre en cause nos perceptions passéistes faites encore de nombreux mimétismes.
Bonne fête à tous !
Me Sadikou Ayo ALAO
Président Fondateur